***Les négociations du Grenelle de la mer à peine closes, Nicolas Sarkozy s'est employé à leur donner une tournure politique en les replaçant dans le cadre plus ambitieux de la stratégie maritime de la France.
Dans un discours qui devait être prononcé auHavre jeudi 16 juillet, le président de la République entendait "réparer l'oubli historique qu'a fait la France de sa vocation maritime". "Comment avons-nous pu oublier que notre pays possède le deuxième territoire maritime mondial derrière les Etats-Unis: 11millions de kilomètres carrés, vingt fois le territoire métropolitain, une superficie supérieure à celle de la Chine et du Canada tout entier?, devait déclarer le chef de l'Etat. Notre avenir dépend de la mer, en tant que ressource, en tant qu'écosystème et en tant que lieu d'échanges."
C'est la première fois que le président de la République s'exprime sur la stratégie maritime de la France et place aussi haut l'impératif de protection des océans. Il intervient sur ce sujet peu après le président américain, Barack Obama, qui a consacré, le 12 juin, un discours au "rôle fondamental" des mers et à la nécessité de les maintenir "en bonne santé, résistantes et durables".
Nicolas Sarkozy reprend les principales mesures négociées lors du Grenelle de la mer, en particulier l'extension des aires marines protégées à 20% de la zone économique exclusive (jusqu'à 370km des côtes), dont la moitié sera constituée de réserves. "Le choix n'est pas aujourd'hui celui de pêcher ou de protéger, mais toujours de protéger pour mieux pêcher", explique M.Sarkozy.
Le chef de l’Etat annonce, en outre, que la France fondera désormais ses décisions de gestion des ressources marines "en respectant les avis scientifiques rendus", et engagera la future réforme de la politique commune des pêches sur cette base. Si cette orientation est respectée, elle constituera un tournant majeur.
Jusqu’à présent, la France a toujours suivi les revendications des pêcheurs dans les négociations sur les quotas, en réclamant des niveaux plus élevés que ceux préconisés par les scientifiques pour préserver la survie des espèces. Le chef de l’Etat devait prendre "l’engagement solennel" de "consacrer les moyens nécessaires» au renforcement de l’expertise scientifique sur l’état des ressources naturelles marines, aujourd’hui très parcellaire. La France doit renouer avec une «grande politique océanographique".
M.Sarkozy devait par ailleurs plaider pour une exploitation "raisonnée et écologiquement responsable" des matières premières sous-marines (pétrole…) qui suscitent de plus en plus de convoitises.
Dans le domaine des énergies marines, dont le potentiel est jugé "prodigieux", une "grande plate-forme technologique", qui concentrera les moyens publics et privés, devrait être constituée. M.Sarkozy entend également "mobiliser l’ensemble des acteurs navals autour d’un programme industriel ambitieux de conception et de construction des navires du futur plus sûrs et plus économes", qui constituera l’un des piliers d’une"politique industrielle intégrée des métiers de la mer".
"Les activités maritimes, de la construction navale à la navigation elle-même, en passant par l’exploitation portuaire ou la déconstruction des navires en fin de vie, constituent des gisements d’emploi", devait affirmer le chef de l’Etat.
Dernier axe de cette stratégie maritime, qui sera formalisée dans un "livre bleu" et validée par un comité interministériel de la mer d’ici à la fin de l’année, le renforcement de l’action de l’Etat en mer. Une fonction de "garde-côtes" devrait être créée, afin d’organiser la mutualisation des moyens humains et matériels des nombreux services de l’Etat intervenant en mer et sur le littoral. Ils seront chargés de lutter contre les pollutions – la "priorité absolue"– et la pêche illégale.
La France devrait par ailleurs prendre dans les instances internationales une place "à la hauteur de ses responsabilités". Elle aura un ambassadeur à l’Organisation maritime internationale (OMI) dont la première mission sera de "poser la question de l’institution d’une police des eaux internationales".
Mercredi 15 juillet, au ministère de l’écologie, les participants du Grenelle de la mer avaient clos trois mois de travaux en adoptant une série de mesures de lutte contre la pollution maritime et de protection du littoral. "La pollution en mer trouve son origine à terre, très en amont", a rappelé le ministre de l’écologie Jean-Louis Borloo. Un large éventail de mesures vise à réduire cet afflux de polluants. Dans les nombreuses zones touchées par les proliférations d’algues vertes ou de phytoplancton toxique, les rejets de nitrates et de phosphates devront être réduits de 40% d’ici à 2014. L’objectif "zéro rejet urbain non traité" rejeté en mer d’ici à 2030 a été retenu.
Un grand plan de réduction des déchets solides a été également adopté. Il prévoit la dépollution des sédiments dragués dans les ports et les estuaires, où déchets et substances toxiques s’accumulent, avant leur immersion en mer. Aujourd’hui, 70 millions de tonnes de vase et boues sont rejetés tous les ans dans l’Atlantique sans traitement préalable. Les "points noirs" d’accumulation de déchets solides dans les méandres des rivières et des ruisseaux devront être éliminés.
La négociation entre les cinq collèges (Etat, collectivités locales, ONG, patronat et syndicats) n’a, en revanche, pas abouti sur la question très sensible du financement de ces réformes par une fiscalité spécifique appliquée aux activités exercées en mer. Les redevances sont aujourd’hui faibles ou inexistantes. "Tout le monde est d’accord pour remettre à plat les taxations et leur affectation, et pour créer un fonds national qui permettra d’abonder la politique du littoral et de la mer", relève Christian Garnier, vice-président de l’association France nature environnement. Reste à savoir qui paiera, et à quelle hauteur. Un groupe de travail devra rendre ses propositions dans six mois.
Sur le Web : www.legrenelle-mer.gouv.fr
Gaëlle Dupont
LE MONDE
16.07.09
jeudi 16 juillet 2009
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