***Ce n'est pas l'argent mais la mauvaise foi et les freins administratifs qui bloquent le passage à une économie et des comportements plus responsables, estime un universitaire brésilien, qui dresse le bilan médiocre de son pays.
La 14e réunion des pays signataires de la convention sur le Climat vient de s'achever à Poznan, en Pologne. Ces réunions ont lieu chaque année dans le but de définir les mesures à prendre par les divers pays afin de "protéger le système climatique pour le présent et les générations futures". Dans ce cadre, le Protocole de Kyoto a été adopté en 1997. Il fixait des objectifs obligatoires, pour les pays industrialisés, de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2012. Bien que ces objectifs n'aient pas été tenus par plusieurs pays, une énorme pression pousse à en adopter d'autres encore plus rigoureux lors de la prochaine conférence à Copenhague, en décembre 2009.
La conférence de Poznan était préparatoire à celle de Copenhague. Chaque pays émet des quantités différentes de gaz à effet de serre, selon sa population, son niveau de développement économique, du type d'énergie qu'il utilise et de la déforestation à l'œuvre sur son territoire. Les dix plus grands émetteurs sont les Etats-Unis, la Chine, l'Indonésie, la Russie, le Brésil, le Japon, l'Inde, l'Allemagne, le Canada et la Grande-Bretagne. Ils représentent deux tiers de toutes les émissions mondiales. Or le Protocole de Kyoto est allé jusqu'à exempter les pays en développement de réduire leurs émissions. Cette décision prise à Kyoto s'est révélée désastreuse.
Les Etats-Unis (responsables de 25 % des émissions mondiales) en ont pris prétexte pour rester à l'écart du protocole, en arguant du fait qu'ils devraient faire face à des coûts élevés pour le respecter et que cela porterait préjudice à leur compétitivité internationale. En outre, ils ont argumenté qu'ils subventionnaient des développements technologiques pour réduire leurs émissions. Des développements qui se font encore attendre. Les émissions des Etats-Unis ont augmenté de 20 % entre 1990 et 2000. Celles de la Chine ont progressé de 39 % sur la même période et représentent désormais elles aussi 25 % du total mondial. La Chine se justifie en affirmant être un pays sous-développé qui a besoin de croître. Un argument quelque peu ironique de la part de la Chine, qui a construit des bombes atomiques et lance des satellites dans l'espace.
Il est clair que si tous les pays font preuve de la même mauvaise foi que les Etats-Unis ou la Chine, les réductions nécessaires ne seront jamais atteintes. La posture de Washington reflètent l'influence des producteurs de combustibles fossiles (charbon, pétrole et gaz) dans ce pays. Pour sa part, la Chine, à l'image des autres pays en développement, doit prendre les mesures les plus appropriées pour réduire ses émissions et abandonner la chimère que les pays riches devront payer pour elle. Il n'y a aucune raison que les pays en développement n'adoptent pas des technologies modernes et moins polluantes en s'industrialisant, ce qui leur évitera les erreurs commises dans le passé par les nations aujourd'hui industrialisées. Attendre que les pays riches les paient pour leur inefficacité est irréaliste, d'autant que souvent le problème n'est pas l'argent, mais l'adoption de politiques correctes.
De ce point de vue, le Brésil est pas mal placé, car son parc industriel est moderne et ses sources d'énergie électrique relativement propres. Notre grand problème est plus de réduire la déforestation de l'Amazonie. Il est difficile de comprendre la résistance du gouvernement fédéral à adopter des objectifs forts en cette matière vu les dégâts que cette politique a causé non seulement aux Brésiliens, mais aussi à la crédibilité du pays à l'extérieur.
Les raisons avancées par le gouvernement pour limiter son action sont de deux types : Le premier est que la préservation de l'Amazonie est désirée par les étrangers comme s'il s'agissait d'un jardin botanique, ce qui empêcherait le développement de la région ; le second consiste à penser que les pays industrialisés devraient payer pour éviter la déforestation, à travers des donations, et non en usant d'un mécanisme de marché. Avec cette vision, si la "déforestation évitée" faisait l'objet de transactions commerciales, les pays riches auraient toute légimité à continuer d'émettre des gaz à effet de serre.
Par ailleurs, ceux qui souffriront le plus de la déforestation ne sont pas les étrangers mais tous les Brésiliens, car le changement climatique produit atteindra les régions du Nordeste et du Sudeste. Les pays industrialisés, surtout en Europe, sont déjà en train d'adopter des objectifs sévères pour réduire leurs émissions et n'attendent pas que la déforestation de l'Amazonie soit réduite pour le faire. Les deux arguments du gouvernement sont donc erronés.
A la veille de la Conférence de Poznan, il avait d'ailleurs modifié sa position dans un sens positif, en fixant notamment des objectifs pour la réduction de la déforestation. Cette nouvelle politique est un pas en avant – bien que reçue avec un certain scepticisme à Poznan –, mais elle s'accompagne malheureusement de conditions relatives à son financement international. Une erreur, car nombre des mesures nécessaires sont de nature administrative, et non financière.
José Goldemberg
O Estado de São Paulo
Courrier International
16 décembre 2008
*Photo : São Paulo, juillet 2008
AFP
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