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2006 création du HUB (VIADEO) *21ème Siècle-'ECOLOGIE & INNOVATION': DEVELOPPEMENT DURABLE DU XXIe siècle!2.0* Think Tank International : + de 3000 membres. *Morgane BRAVO Avocat de formation, études & expérience Diplomatique, Sciences Politiques... « Euroblogeur »...2002 en France : Candidate (titulaire) aux élections Législatives, dans la 14ème Circonscription de Paris. 16e arrondissement (Sud). Fondatrice *Morgane BRAVO, from Paris, France. She's graduate Lawyer and have a Master’s degree in Diplomacy & Political Science...Diplomatic experience.

dimanche 25 avril 2010

*L’histoire du climat, dans les livres de bord...*


***En épluchant les données consignées minutieusement par les navigateurs, les chercheurs reconstituent la météorologie des siècles passés

22 août 1680, dans l’Atlantique Nord. Le HMS Hunter, un navire britannique, rentre au pays. Il a quitté les Bermudes trois semaines plus tôt, pour un périple jusque-là sans histoire. Dans la nuit, une terrible tempête s’abat, couchant le navire. Dans le livre de bord, le capitaine témoigne: «Nous avons affalé nos principales voiles […] Nous filons huit nœuds (près de 15 km/h, ndlr) […] J’ai ordonné au charpentier de percer trois trous dans le pont des canons pour laisser l’eau s’écouler dans la cale et pouvoir la pomper…» Le lendemain, la dépression déferle sur la Grande-Bretagne, avant de mourir deux jours plus tard sur les Pays-Bas.

«La voilure, le vent, la vitesse du navire, sont des indices précieux», raconte Dennis Wheeler, de l’Université britannique de Sunderland. L’an dernier, avec des collègues américains et espagnols, il a reconstitué le trajet de cette tempête jusqu’à ses origines, un cyclone qui avait balayé les Antilles onze jours avant l’Europe. Car depuis dix ans, il épluche les livres de bord de 1650 à 1850 pour en extraire les informations météorologiques. A cette époque, faute d’instruments, les capitaines consignaient avec minutie toute information sur la marche de leur navire, l’état de la mer et les vents: la vie des équipages en dépendait!

«Ce travail dans les livres de bord n’est pas si nouveau, observe David Gallego Puyol, de l’Université Pablo de Olavide, à Séville. Les amirautés tentaient de percer les secrets des vents. En maîtrisant la météo à l’échelle du globe, elles espéraient gagner la suprématie maritime.» Par la suite, des historiens ont apporté une pierre météorologique au récit des grandes batailles navales. Depuis 2000, les travaux isolés ont cédé la place à un effort concerté, notamment sous l’impulsion de l’Union européenne.

Et depuis 2003, grâce aux livres de bord de quatre grandes puissances maritimes (Espagne, France, Grande-Bretagne, Pays-Bas), les chercheurs disposent d’un
dictionnaire météorologique multilingue
 1. «Les marins utilisaient une sorte d’échelle de Beaufort, spécifique à chaque pays, résume David Gallego Puyol. Mais en Espagne, par exemple, il y avait plus de 800 termes pour décrire le vent!»

Fort de l’ouvrage, qui a permis de relier le vocabulaire de l’époque à l’échelle imaginée en 1805 par l’amiral britannique Francis Beaufort, le vrai travail a pu commencer. «Il y a cent vingt mille livres de bord rien que dans les archives britanniques, prévient Wheeler. Trois cent mille observations ont été décryptées à ce jour. Pour la période 1650-1950, il y en a plus de deux millions.» Les autres puissances maritimes détiennent des dizaines de milliers de manuscrits, sans compter les archives des phares. Il faudra des décennies.

Que peut-on espérer de ce travail de fourmi? «Les temps de parcours des navires vers l’Amérique renseignent sur les alizés», justifie Valérie Masson-Delmotte, paléo-climatologue au Commissariat français à l’énergie atomique, pour qui ces recherches historiques sont «un complément précieux de l’analyse physico-chimique des archives climatiques naturelles. Dans l’océan Indien, on apprendra sur la mousson. Et dans le Pacifique, on espère suivre les cycles d’El Niño.» Cet océan, resté à l’écart des principales routes maritimes, serait presque un paria, si sa variabilité climatique n’était liée à son voisin l’océan Indien. «De plus, il y a des archives de la marine chilienne, à partir de 1850. Une vraie mine d’or pour le Pacifique», se réjouit l’historien Christian Pfister, de l’Université de Berne, l’un des premiers à s’être penché sur les archives historiques du climat européen. Son collègue français, Emmanuel Garnier 2, a démarré un travail similaire il y a quatre ans, qui s’appuie aussi sur les archives maritimes. Il tente notamment de relier les observations en mer aux relevés terrestres, pour retracer, par exemple, la route des ouragans à travers le continent européen.

Paradoxalement, les chercheurs n’attendent rien de spectaculaire en termes de phénomènes extrêmes océaniques, et pour cause: «Peu de navires ont survécu aux cyclones», souligne David Gallego Puyol. Alors, les chercheurs placent méticuleusement dépressions et anticyclones sur des cartes pour explorer les cycles climatiques. «Nous suivons, par exemple, les caractéristiques des vents d’ouest sur l’Atlantique Nord, détaille Dennis Wheeler. Nous devrions à terme disposer de séries presque quotidiennes de 1685 à nos jours!» De quoi compléter quatre siècles de révélations sur l’oscillation climatique nord-atlantique, quand les chercheurs peinent à franchir le milieu du XIXe siècle, qui marque l’apparition des instruments météorologiques.

Tandis que certains décryptent l’écriture des courageux capitaines du XVIIe, d’autres scrutent un passé plus récent, tel Rob Allan, du Met Office britannique. Responsable d’un projet international, il compile les relevés instrumentaux – température et pression – des navires depuis 1850, pour enrichir les mesures terrestres. «Nous essayons de reconstruire la circulation atmosphérique au-dessus de l’ensemble du globe, jour par jour, sur les deux derniers siècles, pour faire de la prévision a posteriori et améliorer les modèles climatiques», souligne le chercheur. Avec les périodes pré et post-instrumentales, les climatologues disposeraient enfin d’une pièce maîtresse du puzzle climatique passé qui leur fait défaut. Ne l’oublions pas, les océans couvrent les deux tiers du globe!

1.
www.ucm.es/info/cliwoc/ Dictionary_text.pdf
2. «Les dérangements du temps», Editions Plon, Paris, janvier 2010.

Denis Delbecq
CLIMATOLOGIE
Le Temps
24 avril 2010

Bien à vous,

Morgane BRAVO

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