***L’eau représente un enjeu de plus en plus important dans tous les pays. Une approche originale et cohérente est aujourd’hui nécessaire.
Selon le président John F. Kennedy, celui qui saurait résoudre le problème de l’eau mériterait deux prix Nobel : un pour la paix et l’autre pour la science. Plus de quarante ans après sa mort, le monde prend la mesure de la complexité et de l’urgence des problèmes liés à l’eau auxquels l’humanité est confrontée, et de la pertinence de sa remarque.
On a parfois l’impression que les problèmes d’eau concernent surtout le monde en développement et qu’ils ont été résolus depuis longtemps dans les pays de l’OCDE. C’est totalement faux, et ce pour plusieurs raisons, dont nous allons étudier certaines.
Premièrement, même si la contamination de l’eau due à des sources ponctuelles, comme les tuyaux d’égout, n’existe plus dans la plupart des pays de l’OCDE, la pollution diffuse continue de représenter un problème majeur. Par exemple, le golfe du Mexique comporte désormais une zone morte qui pourrait par moments atteindre 22 000 km2. L’infiltration d’engrais agricoles, ensuite transportés jusque dans le golfe par des cours d’eau comme le Mississippi, est à l’origine de cette zone hypoxique (déficitaire en oxygène).
Les sources ponctuelles de pollution de l’eau restent un problème important dans quelques pays de l’OCDE, notamment en milieu rural et dans les petites zones urbaines. À mesure que de nouveaux membres rejoignent l’OCDE, celle-ci doit dans son ensemble s’interroger sur les aspects sanitaires et environnementaux de la gestion de la qualité de l’eau.
Deuxièmement, les infrastructures hydrauliques de tous les pays de l’OCDE vieillissent rapidement et leur remise en état est lourde et coûteuse. Par exemple, l’Agence de protection de l’environnement aux États-Unis estime que le pays devra dépenser 23 milliards USD de plus par an pendant les vingt prochaines années pour avoir des infrastructures d’alimentation en eau et d’assainissement qui fonctionnent et sont conformes aux réglementations nécessaires. La situation est comparable dans tous les pays de l’OCDE. Compte tenu de l’ampleur des financements à trouver, il faut non seulement renforcer le débat public, mais aussi développer la recherche pour trouver de meilleures solutions économiques, techniques et de gestion.
Troisièmement, les réflexions sur les problèmes liés à l’eau dans les instances internationales s’intéressent principalement à l’alimentation en eau potable dans le monde en développement. Considérée sous cet angle très étroit, quoiqu’essentiel, l’eau ne pose pas un problème grave pour les pays de l’OCDE. Cependant, l’eau potable représente moins de 10 % de la consommation mondiale. Le reste est utilisé à des fins alimentaires, énergétiques et environnementales, ainsi que dans le cadre du développement régional. Tous ces secteurs sont importants dans les pays de l’OCDE.
L’eau concerne plusieurs secteurs, et l’efficacité de son utilisation et de sa gestion dépendra de plus en plus des actions menées dans d’autres domaines. Par exemple, l’eau et l’électricité sont étroitement liées. L’eau est indispensable pour produire de l’électricité en grande quantité, qu’il s’agisse de faire tourner les turbines de centrales hydroélectriques ou de refroidir les installations de centrales thermiques ou nucléaires. Dans un pays membre comme la France, le secteur de l’énergie utilise beaucoup d’eau. Inversement, le secteur de l’eau consomme énormément d’électricité. Au Mexique, par exemple, il absorbe près du quart de la production. Pourtant, presque aucun pays, y compris dans l’OCDE, n’applique de politique énergétique prenant explicitement l’eau en considération, et inversement.
De même, la production de biocarburants a des incidences notables sur la qualité et la quantité d’eau. Il est communément admis que son accroissement, aux États-Unis, augmentera la superficie de la zone morte du golfe du Mexique, sous l’effet de l’intensification du ruissellement de produits agrochimiques imputable à cette production. Dans un monde en évolution rapide, les dimensions et la portée des problèmes liés à l’eau changent elles aussi. Les pays de l’OCDE devront redoubler d’attention pour faire face à ces nouveaux problèmes.
Quatrièmement, une gestion de l’eau efficace pour le futur doit pendre en compte le changement climatique. Le climat a toujours connu des fluctuations, mais dès lors que le changement climatique vient s’ajouter aux variations habituelles, les problèmes deviennent plus complexes.
Il n’est pas très utile, pour la gestion de l’eau, de dire que les températures mondiales augmenteront de quelques degrés ou qu’il y aura davantage d’événements climatiques extrêmes. En l’état actuel de nos connaissances, il est impossible de prédire avec fiabilité l’évolution annuelle moyenne prévue des précipitations et des températures dans un pays donné, et encore moins dans un bassin hydrographique. De plus, des informations supplémentaires sur les variations probables des précipitations seront essentielles pour la gestion future de l’eau, de l’agriculture, de l’énergie et de l’environnement.
L’OCDE doit jouer un rôle actif pour porter ces questions essentielles à l’attention des dirigeants nationaux et internationaux et des scientifiques, afin d’élargir nos connaissances et de trouver des solutions adaptées et efficaces par rapport à leur coût.
L’OCDE devrait se positionner aux avant-postes et militer en faveur d’actions spécifiques et tournées vers l’avenir, notamment dans les domaines importants où d’autres institutions internationales ne parviennent pas à montrer la voie et n’y parviendront probablement pas dans le futur. Certes, l’OCDE jouit déjà d’une bonne réputation pour ses travaux sur les politiques de l’eau. Il est cependant très encourageant de constater que le Secrétaire général Angel Gurría considère précisément l’eau, la santé et les migrations comme des domaines d’activité prioritaires. Remarquons au passage que ces trois thématiques sont interconnectées.
Les responsables de l’action publique doivent faire davantage pour coordonner les politiques de l’eau, de l’énergie, de l’alimentation et de l’environnement, notamment du point de vue de leurs relations symbiotiques (comment ces différentes ressources interagissent et influent les unes sur les autres). Ces interactions ne sont pas encore prises en compte dans les politiques de manière globale. Cette absence de remise en question des approches actuelles risque de se traduire par une action de plus en plus inefficiente et inefficace, notamment en termes sociaux, économiques et environnementaux.
L’évolution rapide du paysage mondial implique que les processus et pratiques de gestion de l’eau seront confrontées à des difficultés intersectorielles et de plus en plus complexes, quasiment inédites, imputables à l’exploitation d’autres ressources et à d’autres domaines d’activité. Y faire face avec succès et à temps exige un changement d’état d’esprit, des approches innovantes et des solutions nouvelles.
Nous sommes convaincus que l’OCDE est l’une des très rares institutions, voire la seule, qui dispose des connaissances, de l’expertise et du savoir-faire scientifique et technologique nécessaires pour cerner de manière fiable les futurs problèmes liés à l’eau, et proposer des solutions applicables.
Il incombe à l’OCDE de s’attaquer aux problèmes complexes liés à l’eau auxquels le monde sera confronté dans les années à venir. Elle n’a tout simplement pas le choix si elle veut remplir sa mission et répondre aux attentes mondiales.
*Asit K. Biswas est aussi lauréat du Prix de l’eau de Stockholm pour 2006. Conseiller de 18 gouvernements, son travail a été traduit dans 32 langues.
Cecilia Tortajada est également Présidente de l’International Water Resources Association.
samedi 21 mars 2009
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