***Une bonne partie des prétendus "éco-quartiers", qui se veulent respectueux de l'environnement, ne suit pas une véritable démarche de développement durable. C'est la conviction de Catherine Charlot-Valdieu, présidente du Réseau européen pour un développement urbain durable (Suden), qui vient de publier, avec Philippe Outrequin, L'Urbanisme durable (éd. Le Moniteur, 295 pages, 59 euros). A l'heure où les projets se multiplient dans l'Hexagone pour combler le retard français, ce guide méthodologique et critique se nourrit de nombreux exemples étrangers, de Vancouver à Malmö, de Barcelone à Stockholm et de Bristol à Fribourg.
En France, plus de cent vingt projets en cours d'étude ou de réalisation se proclament éco-quartiers. Il manque une enquête pour distinguer le vrai du faux. Les maires abusent de cette appellation : il y a des subventions à la clé, c'est politiquement payant et ça attire l'attention des médias. Mais il ne suffit pas de faire un lotissement de maisons zéro énergie pour créer un éco-quartier.
Quand ils veulent aménager "vert", les élus acceptent des surcoûts allant jusqu'à 20 % pour obtenir des labels type "bâtiment basse consommation", qui les exonèrent de réfléchir à la démarche de conception urbaine, pourtant plus stratégique que la performance énergétique des édifices. Les bâtiments expérimentaux sont des vitrines, qui peuvent servir à tester des techniques, mais qui ne règlent pas la question de la ville durable. Un quartier, ça a une certaine taille, ça doit s'intégrer dans le tissu de la ville et, en plus d'y habiter, on y travaille, on y fait ses courses, on y a des loisirs...
Au-delà des économies d'énergie, les éco-quartiers mettent en avant les espaces verts, le recyclage des déchets, les transports en commun... Ça ne suffit pas ?
Il y a une ambiguïté dans le terme même d'éco-quartier par rapport à celui de quartier durable. Cela conduit, en France, et dans d'autres pays comme la Chine, à afficher des ambitions avant tout liées à l'environnement, alors que le développement durable doit s'appuyer sur deux autres piliers tout aussi importants : l'économie et le social. Pour créer un véritable éco-quartier, il faut une démarche de projet reposant sur un diagnostic et des objectifs portant sur les trois piliers. Mais l'économie et le social ne se règlent pas à l'échelle du quartier. C'est pourquoi un éco-quartier ne peut marcher que dans une stratégie à l'échelle de la ville.
Vous défendez le principe de la concertation dans l'élaboration des éco-quartiers. Pourquoi est-ce important ?
La concertation est nécessaire, mais pas telle qu'elle est menée le plus souvent, c'est-à-dire sous forme d'information ou de consultation des habitants. La démarche de projet implique un processus d'amélioration continue, en partenariat avec tous les acteurs locaux : commerçants, riverains, entreprises... C'est par la concertation que le projet d'éco-quartier, avec ses innovations techniques, peut servir à améliorer les compétences et la compétitivité des entreprises locales. Si on utilise des panneaux solaires allemands, des éoliennes danoises et des isolants chinois, où est l'intérêt pour l'économie de la région ? C'est aussi comme cela qu'on peut éviter que les éco-quartiers deviennent des ghettos de riches bâtis à côté de zones d'habitat populaire dégradé. L'éco-quartier doit prendre en compte ce qui se passe alentour.
Les éco-quartiers sont toujours des constructions neuves. Est-ce inévitable ?
Les élus aiment inaugurer de belles vitrines, c'est pourquoi ils privilégient le neuf. Or l'enjeu majeur, c'est la réhabilitation de la ville existante. De ce point de vue, l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) a été un ratage complet, alors qu'elle a été mise en place par le même Jean-Louis Borloo qui allait ensuite animer le Grenelle de l'environnement ! On aurait pu décider que tous les projets ANRU devaient devenir des éco-quartiers. C'est ce qu'a réussi l'équivalent italien de l'ANRU à Turin et à Milan.
Le ministère de l'écologie a lancé un concours pour distinguer les meilleurs projets d'éco-quartiers et la présidence française de l'Union européenne a relancé, en novembre 2008, l'idée d'un cadre de référence sur la ville durable. La France rattrape-t-elle son retard en la matière ?
Cela fait des années que l'Europe parle de ce cadre de référence. Quand ça arrange un gouvernement, on relance la machine : c'est ce qu'a fait Nicolas Sarkozy. Mais quand Paris dit à l'Europe qu'il faut créer et encadrer les villes durables, ça fait bien rire des pays comme les Pays-Bas, qui ont intégré ces problématiques depuis longtemps, on le voit de manière exemplaire à Utrecht ou à Breda. En matière d'éco-quartiers, la France est la dernière de la classe.
Propos recueillis par Grégoire Allix
Le Monde
21.03.09.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire