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2006 création du HUB (VIADEO) *21ème Siècle-'ECOLOGIE & INNOVATION': DEVELOPPEMENT DURABLE DU XXIe siècle!2.0* Think Tank International : + de 3000 membres. *Morgane BRAVO Avocat de formation, études & expérience Diplomatique, Sciences Politiques... « Euroblogeur »...2002 en France : Candidate (titulaire) aux élections Législatives, dans la 14ème Circonscription de Paris. 16e arrondissement (Sud). Fondatrice *Morgane BRAVO, from Paris, France. She's graduate Lawyer and have a Master’s degree in Diplomacy & Political Science...Diplomatic experience.

jeudi 10 septembre 2009

*Taxe carbone: «Ne rien faire est irresponsable»...*

***Pour Nicolas Hulot, la querelle politique sur la taxe carbone masque les enjeux. Il livre son mode d’emploi d’une fiscalité écologique et sociale.

Comme prévu, la taxe carbone et le cafouillage gouvernemental sur le dossier ont largement occupé le campus d’été de l’UMP, qui se déroulait ce week-end à Seignosse (Landes). Cafouillage ? Pas du tout, selon le conseiller élyséen Henri Guaino : «Il n’y a pas de cafouillage, il y a des discussions.» Mais rien d’anormal, officiellement, dans le désaveu infligé au Premier ministre sur les arbitrages. Les modalités de la taxe, les vraies, devraient être connues jeudi, selon Christine Lagarde. Sauf si les «discussions» s’éternisent…

Agacé par la tournure très politicienne prise par le débat, Nicolas Hulot, qui avec sa Fondation a porté et médiatisé la Contribution climat énergie (CCE) depuis le Grenelle, lance dans Libération un appel à la raison.

A entendre ses adversaires, Ségolène Royal en tête, la taxe carbone c’est 7 centimes de plus à la pompe et c’est inefficace...

C’est une présentation étriquée et simpliste des choses. Aucun expert objectif ne doute de l’efficacité du signal prix pour agir sur les comportements. Si, simple exemple inversé, le parc de diesel a tant augmenté en France, c’est parce que les gens ont intégré que le prix à la pompe du diesel serait durablement moins cher que celui du super. Si on veut créer de la vertu collective, que l’industrie propose des biens et des services de plus en plus sobres, il faut que chacun ait à l’esprit que le prix ne baissera plus jamais. Que l’horizon soit bien défini pour orienter ses investissements. Ceci dit, le contexte de la rentrée politique, a sans doute pesé notamment à gauche… Certains ont trouvé un point d’accroche, je ne trouve pas ça très adroit, ce n’est pas un sujet sur lequel il faut polémiquer. C’est trop grave, ne faisons pas de démagogie. C’est d’ailleurs contraire à l’esprit du Pacte Ecologique que tous avaient signé.

Quel est l’intérêt de la taxe carbone?

Donner un prix au carbone fait consensus chez tous les économistes qui se sont penchés sur ces problématiques. Rappelons le contexte. Il y a deux contraintes majeures, le changement climatique et la raréfaction des ressources. Pour lutter contre le réchauffement, on s’est engagé à Kyoto à diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Ca ne se fera pas avec des petites corrections à la marge. Nous aurons tous des efforts très importants à faire et plus l’on ajourne la transition plus ce sera lourd voir insupportable notamment pour les plus démunis.

«Si on ne fait rien, les plus précaires subiront»

Et sur les ressources ?

On va vers la fin des énergies fossiles et notamment du pétrole. L’idée qu’on ait le choix entre faire ou ne rien faire est fausse. Soit on organise cette mutation, soit on la subit. Les choses vont changer de gré ou de force. Et si c’est de force, par la raréfaction, les prix vont augmenter très brutalement… et ce sont les plus précaires qui vont subir. Planifier la hausse c’est pouvoir aussi amortir les crises à venir. C’est bien une préoccupation éminemment sociale, ce n’est pas juste histoire d’embêter le monde.

Ne faut-il pas d’abord se concentrer sur l’industrie ?

Le marché des quotas existe déjà : il touche les émissions industrielles concentrées. Il faudra le durcir, l’améliorer mais on ne peut pas dire que l’industrie lourde est épargnée. Mais cela ne représente de toute façon qu’environ 30% des émissions en France. Les deux tiers qui restent, les émissions diffuses des ménages et des autres entreprises, ne sont soumis à aucune contrainte. On ne peut pas réussir notre engagement international en laissant ça en jachère.

Cette taxe est accusée d’être socialement injuste...

Ce qui est injuste et dangereux, c’est de critiquer sans rien proposer de structurant et de livrer ceux qui sont en situation de précarité aux effets d’une crise majeure sans anticiper. Pour être efficace, la contribution climat énergie doit s’appliquer à tous, car c’est un problème de masse. Le produit de la CCE peut permettre d’accompagner les gens qui seront mis en difficulté. Pour ceux qui sont dans des impasses, les gens qui travaillent la nuit, qui n’ont pas accès à des transports en commun, il faut des dispositifs d’accompagnement, pour les aider à s’équiper différemment.. Ces cas particuliers, on les prend en compte. Il y a plusieurs propositions sur le tapis, soit on reverse, soit on aide par des subventions ponctuelles aux économies d’énergie.

Et puis, le débat sur le changement climatique ne s’arrête pas à la Contribution Climat Energie. Ce doit être une pièce centrale de tout un dispositif : normes, bonus, malus, crédit d’impôt, subventions…C’est aussi à celà que doit servir prioritairement le grand emprunt: il faut une écoconditionnalité intransigeante des investissements.

«Certains n'ont pas pris la mesure du problème »

Que proposez vous pour sortir de cette polémique, notamment en matière de redistribution ?

L’esprit de tout cela c’est à terme de basculer la fiscalité du travail sur la fiscalité énergétique et environnementale. Ce n’est pas l’emploi qu’il faut réduire, mais bien nos consommations d’énergies et nos impacts environnementaux. Avec la Fondation, nous avions proposé l’allocation universelle, la même somme reversée pour tout le monde (à l’exception des revenus élevés). Dans la majorité des cas, selon nos modèles, ceux qui ont les revenus les plus faibles allaient recevoir plus que ce qu’ils payaient. Et il fallait seulement ajuster pour les cas particuliers. Il y a d’autres pistes réduire simultanément les charges sociales ou l’impôt sur le revenu…C’est la responsabilité des politiques de trancher. Encore faut-il que le débat se fasse dans la raison et non pas dans la passion politicienne. Compte tenu de la tournure des évènements, il serait productif qu’on acte le principe de la Contribution climat énergie dans la loi de finances 2010 et de sa progressivité.

Comment revenir à un débat serein ?

Peut-être serait il sage que l’on se donne deux mois supplémentaires pour organiser un débat constructif entre la gauche et la droite sur l’affectation des ressources, l’équité de la taxe. Et l’on fera un projet de loi de finance rectificatif. Le chantier est ouvert. Il mérite de mutualiser les intelligences et l’imagination de tous bords, c’est là qu’est le rôle des politiques. Mais fustiger dans son principe la contribution climat énergie, après l’avoir soutenu, je trouve que ce n’est pas très responsable.

Il est indispensable de donner des garanties claires aux revenus modestes que tout cela ce fera au minimum à prélèvement constant. Il faut faire de la pédagogie sur les dispositifs d’accompagnement pour aider les précaires énergétiques à s’équiper pour consommer moins.

Comment faire pour que la population n’y voit pas qu’une taxe de plus ?

C’est une préoccupation légitime, mais si on ne trouve pas une solution, les conséquences sociales dans les années à venir seront bien plus importantes. Ne rien faire, c’est une lecture à très court terme. Le baril ne va pas rester au niveau d’aujourd’hui. Et les conséquences des changements climatiques si on laisse les phénomènes s’emballer seront cruellement tragiques. Quand j’entends dire qu’il suffit de faire des voitures électriques pour tenit nos engagements en matière climatique, je me dis que certains n’ont pas du tout pris la mesure du problème. Ce sont des arguments de magiciens, pas d’écologistes encore moins d’économistes. Si chacun est arc-bouté sur ses égoïsmes et sur ses certitudes, je ne vois pas comment on va y arriver. Il faut proposer des choses efficaces et structurantes.

La France peut elle agir seule ?

Et la France a intérêt à le faire unilatéralement, indépendamment des autres, parce que ça va nous permettre de prendre un temps d’avance. Et de se préparer à la pénurie. D’autant qu’on peut en attendre une autre vertu : si on baisse notre dépendance énergétique, et notamment au pétrole, on améliore notre balance commerciale et on crée de l’emploi, parce que les services et les biens qui permettent de réaliser cette baisse de consommation sont chez nous, non-délocalisables. D’ailleurs, nous ne sommes pas seuls. La Suède a déjà un taxe carbone à 100 euros par tonne de CO2.

«Il faut un niveau de départ élevé, à 20 euros la tonne au moins»

Le gouvernement n’a-t-il pas sa part de responsabilité dans cette confusion ?

Imaginer qu’une réforme comme celle çi puisse se faire sans remous fait preuve d’une certaine naïveté. Il y a eu des erreurs de communication, notamment on a laissé longtemps planer le doute sur le fait que cette taxe pouvait permettre de compenser la taxe professionnelle ou combler le déficit budgétaire.. Dans l’esprit des gens, ce que je comprends, c’est devenu : on va prendre l’argent des particuliers pour payer à la place des entreprises le trou des collectivités. Cela a créé une confusion et un rejet compréhensible. Il faut revenir à l’essentiel. Expliquer qu’on met cette taxe à ce niveau là, qu’ on va aller vers les 55 euros la tonne pour 2020 et 100 euros pour 2030. Ce que dit François Fillon va plutôt dans le bon sens.

Même à 14 euros seulement la tonne de CO2, et sans l’électricité ?

Le plus important c’est de démarrer. Mais si on considère que l’objectif c’est bien de changer les comportements et que le signal prix est un bon levier alors il faut être cohérent. Il faut un niveau de départ plus élevé, à 20 euros au moins, pour éviter toute ambiguïté sur l’objectif de cette contribution. Mais s’il n’y a pas de progressivité, 20 euros, ça ne sert à rien. Il faut s’engager pour 50 à 55 euros en 2020, 100 euros en 2030. Et on n’échappera pas évidemment à aussi réguler l’électricité. C’est bien la contribution « climat-énergie ». Quand on dit l’électricité ça n’émet pas de CO2, ce n’est pas vrai : dans les périodes de pointe, l’électricité on va la chercher dans les énergies fossiles. Tout le monde est d’accord pour dire que c’est toute la consommation énergétique qu’il faut baisser.

« Prospérer sans croître, c’est ça l’équation »

N’y a-t-il pas un fossé entre les paroles et les actes du gouvernement ?

Je m’efforce d’être le plus objectif, depuis deux ans il y a un niveau de réformes écologiques sans équivalent dans notre pays. C’est un changement assez majeur qui est en train de se produire. Mais une fois qu’on a dit cela les phénomènes qui eux ne nous attendent pas, exigent d’aller plus vite et plus loin.

Lors de la Conférence d’expert, le consensus était fort. Aussi bien au niveau des partenaires sociaux que des associations de consommateurs. C’est une avancée essentielle, qui montre la maturité de ce sujet. Maintenant, c’est normal que les grands corps d’Etat, qui ont une espèce d’inertie culturelle sur ce sujet, et qui ont des contraintes de réduction de déficit, ne soient pas très enthousiastes . Le choix est de la responsabilité des politiques.

Ces questions sont quand même devenues centrales, le Grenelle, le Grenelle de la mer, ce n’est pas insignifiant même si ce n’est pas suffisant. D’autant plus pour un gouvernement de droite, ça prouve qu’il y a des choses qui ont bougé.

On vous rétorque que c’est de l’écologie de la punition...

Rouler vite, c’est une liberté ou une addiction ? L’étymologie du mot liberté, c’est la loi qu’on se fixe à soi-même. L’absence de limites, de mon point de vue, ce n’est pas la liberté. Moi j’ai aimé la vitesse dans une période où c’était possible.

Ne rien faire, c’est d’une irresponsabilité absolue. Si on ne remet pas en cause, une certaine forme de croissance, si on n’est pas capable d’organiser une croissance sélective et une décroissance sélective en fonction des contraintes naturelles, et économiques, on va dans le mur. Ça c’est le vrai sujet de société aujourd’hui.

La mutation écologique est -elle incompatible avec le libéralisme ?

C’est incompatible parce que le libéralisme, au sens où je l’entends, c’est l’absence de limites. Il en est des sociétés comme des enfants, sans limites pour s’appuyer, ils basculent. Ce qui pose problème dans nos sociétés, ce sont tous nos excès. La planète nous fixe des limites. Comment prospérer sans croître c’est ça l’équation du développement durable, même si c’est un mot que je n’aime plus trop, parce qu’il est utilisé à toutes les sauces, c’est devenu parfois une camomille mielleuse pour nous faire ingérer tous nos excès de civilisation. Notre économie repose historiquement sur l’exploitation des ressources naturelles et des matières premières, et si on arrive à épuisement sur la plupart des stocks je ne vois pas comment les systèmes sociaux et économiques vont perdurer et comment nos démocraties vont résister quand on aura plus comme marge de manœuvre que de gérer des additions de pénuries. Et c’est une perspective qui est tout à fait envisageable. Sur le pétrole, on n’a pas de plan B.

Sur ces questions, les Français sont-ils plus en avance que leurs dirigeants?

Nous avons réalisé un sondage délibératif. 15000 personnes y ont participé et bien informée une écrasante majorité se déclare favorable à la taxe carbone. Ça montre une certain maturité, les gens comprennent que les choses vont changer de gré ou de force. Et que dès qu’il y a changement, c’est que ça va être différent. Effectivement, on va rouler moins vite, il y a des choses qu’on pourra plus faire. C’est pour ça qu’il ya une période de transition, le temps qu’on nous fournisse du choix, notamment dans des équipements. Si on avait fixé des normes plus ambitieuses, sur le bâtiment, sur la voiture, la question ne se poserait pas de cette manière.

Candidat en 2012 ?« Mon horizon se limite à Copenhague »


Le carton d’Europe ecologie aux européenne vous a surpris?


Le succès d’Europe Ecologie est quand même très significatif. Ça montre que dans notre pays, le travail de fond progresse, le terrain est bien préparé. Et quand, pour une fois, des écologistes ne s’étripent pas mais font campagne sur l’Europe et l’écologie, ça fonctionne. Ce n’était pas sain que l’écologie politique soit si disproportionnellement faible, si petite par rapport à l’aspiration de nos citoyens. Ça oblige les politiques à recentrer le jeu sur le sujet, ça va obliger le PS, qui était quand même aux abonnés absent. Peut-être qu’on avance pour des raisons politiciennes mais pour moi peu importent les raisons, l’important c’est qu’on avance. J’observe que l’on rentre parfois dans ce périmètre d’action par opportunisme et qu’on finit par y rester par conviction.

Faut-il des présidences de région 100% écolos?

Et pourquoi pas ? Pourquoi n’y aurait il pas des régions un peu laboratoires ? Les écologistes sont ni plus ni moins intelligents que les autres. Ça ne me choquerait pas. Ils ont souvent montré localement leur sens des responsabilités.

Et une candidature Hulot en 2012?

Honnêtement, sans langue de bois, mon horizon se limite à la conférence climatique de Copenhague, en décembre. Toute mon énergie est là, en tant qu’ONG, dans le travail avec la Commission européenne. 2012, c’est le grand futur, il va se passer tellement de choses d’ici là que, au moment ou on se parle, mon rôle me semble plus important là ou je suis. J’ai tendance à penser que ce sera le cas pour longtemps. C’est beaucoup trop loin pour moi. Europe Ecologie, pour l’instant doit se préoccuper des régionales, faire son boulot à Bruxelles, se structurer. Mais ne nous laissons pas guider par ces jalons de la politique française qui font brûler des étapes. Il y a tellement de choses à faire, tellement de travail. Il y a vraiment du pain sur la planche, maintenant.

A quelques semaines de Copenhague, vous êtes inquiet?

Garder l’espoir devient un acte de bravoure. Quand Obama est arrivé tout le monde s’est emballé. Il y a eu un sondage aux Etats-Unis plaçant le changement climatique au vingtième rang des préoccupations des américains. La loi sur l’énergie que le Congrès vient de voter comprend pour la première fois un mécanisme de quotas, mais elle est très en deçà des enjeux. On pensait que les américains allaient prendre la main et que cela allait entraîner la Chine et l’Inde. J’ai rencontré avec Barroso, à Berlin, les négociateurs indiens et chinois, si les américains ne sont pas agressifs, ils ne bougeront pas.

« On est condamnés à partager»

Pourquoi l’écologie politique est souvent considérée comme une préoccupation de bobos?

Ceux qui disent ça jouent avec le feu. Cela fait vingt ans que j’entends que l’écologie c’est un truc de riches. Mais c’est un devoir de riches. Au nord comme au sud, c’est toujours les mêmes qui vont trinquer. Et pas dans 150 ans. On est face à des menaces de crises majeures, à coté desquelles celles qu’on vient de traverser vous nous sembler de vulgaires échantillons. Ma préoccupation et ma réflexion ne se limitent pas à la crise climatique. La crise écologique ne peut pas se résoudre sur le dos de la pauvreté. Les instruments qu’on doit mettre en place pour régler la crise écologique sont les mêmes que ceux qui devront permettre de réduire les inégalités. On est condamnés à partager, pas pour une raison morale, la morale chacun se la construit, mais pour des raisons pragmatiques. Pour partager encore faut-il avoir quelque chose dans la corbeille: si on n’a plus de ressources et de matières premières, ce sera chacun pour soi et comme d’habitude la loi du plus fort. Donc pour partager, il faut préserver. D’où la nécessité de réduire la voilure: avec les trois R : réduire nos prélèvements, rallonger la durée de vie de ce que l’on produit et recycler.

Votre documentaire met en lumière un autre effet de la mondialisation...

Il y a un facteur qui change toute la donne et dont on n’ a pas mesuré l’importance:c’est l’effet de la communication . On a pensé qu’elle allait avoir pour vertu par la télévision, Internet et la mobilité, de rendre compréhensibles les différences, de lever les malentendus à l’origine de nombreux conflits. Cela a été parfois le cas. Mais cela a un autre effet: comme le dit si bien Patrick Viveret vous ajoutez à l’exclusion et à la misère, un élément explosif : l’humiliation. Vous ne pouvez pas condamner ceux qui sont exclus et dans la marge à observer indéfiniment ceux qui s’en sont sortis et fortiori ceux qui se vautrent dans l’opulence. Ca ne peut pas tenir. Car face à cette humiliation, l’homme réagit. L’idée que des murs ou des frontières pourront nous affranchir de cela est farfelue. Donc on est obligés de partager: avec un nouveau modèle économique qui va limiter les concentrations de richesses.

Vous devenez gauchiste?

Au risque de vous choquer, je ne sais pas où je me situe. Je ne sais pas s’il y a un protocole de gauche ou de droite. Les contraintes sont telles que le réalisme prime sur l’idéologie. Il me semble que dans le contexte de gravité et de complexité actuelle, ce clivage là n’est plus opérant. J’ai beaucoup lu ou rencontré des gens comme Joseph Stiglitz, Nicholas Stern ou bien d’autres des gens qui ont été dans le système et qui voient bien que ce n’est pas tenable. Tant mieux si l’on y vient par la réalité des choses.

« On veut surtout éviter de revenir à la lampe à huile»

Votre fondation est financée par des multinationales. Cela n’affecte-t-il pas vos vues?

Ca fait des années que j’assume que pour agir il faut des moyens. Plutôt que d’aller les chercher seulement auprès des citoyens ou des particuliers, je souhaite aussi me tourner vers les entreprises, pour nouer un dialogue. Ne diabolisons pas les entreprises, ce qu’il faut, c’est changer de modèle économique, inventer un moyen de poursuivre l’activité sans détruire les ressources. Pour faire du lobby et des campagnes il faut des moyens. A la condition expresse que mon indépendance de parole ne soit jamais prise en défaut. On est dans une forme de guerre. Et il faut utiliser les moyens du bord, sinon le système sera plus fort que nous. Le système je le travaille aussi de l’intérieur. je me refuse à me tenir à l’écart dans une attitude de puriste.

Pourquoi avoir intitulé votre film sur l’impact social du réchauffement climatique, le Syndrome du Titanic (sortie le 7 octobre)?

Depuis trois ans, la crise écologique a rencontré la crise énergétique, économique et démocratique.Ce titre est toujours valable: on voit l’obstacle, on est incapables de changer de cap; on prend l’eau, l’orchestre continue à jouer, les gens qui sont en cabine de luxe pensent qu’ils vont mieux s’en sortir que ceux qui sont en fond de cale et on garde toute confiance dans l’invulnérabilité de notre paquebot! Parce que le positivisme est encore tenace. Qu’on le veuille ou pas. On ne va pas s’en sortir simplement avec des panneaux solaires, des éoliennes. Tout ça s’est gentillet, mais on n’a pas de rupture technologique immédiatement opérante. On a pas de plan B pour le pétrole. Décarboner notre société nous oblige à nous préparer à cette transition. Il faut une révolution culturelle autant qu’économique.

C’est vrai qu’on n’ est pas culturellement habitués à anticiper. C’est le paradoxe de notre époque. Bossuet disait: on est des créatures étranges: on s’afflige des effets et on continue d’adorer les causes. Lors du Tsunami on a regretté de ne pas avoir anticipé la vague? Là, tous les scénarios sont prévisibles, même si régionalement il faut être prudent. On a tout a gagner à prendre en main la mutation. J’entends encore les vieux refrains: vous les écolos vous voulez nous faire revenir à la lampe à huile. Mais on veut surtout éviter d’y revenir justement! L’archaïsme c’est l’inertie, le modernisme c’est la mutation écologique. Si on laisse tous les phénomènes s’emballer je ne suis pas sur que les garde-fous démocratiques résistent longtemps.

Par MATTHIEU ECOIFFIER, GUILLAUME LAUNAY
Libération
07/09/2009

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