samedi 12 juin 2010
*Un réseau mondial sur la biodiversité va être créé*
***Un grand pas a été franchi, vendredi 11 juin, vers la création d'un réseau mondial d'expertise sur la biodiversité, à l'image de ce qui existe depuis 1988 pour le climat à travers le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC). A l'issue de cinq jours de négociations, quelque 90 Etats, réunis à Pusan (Corée du Sud) sous l'égide des Nations unies, ont adopté à l'unanimité une recommandation favorable à la création d'une Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES en anglais).
Le faire-part de naissance ne pourra cependant être publié qu'après l'adoption de cette recommandation par l'Assemblée générale des Nations unies, en septembre, à New York. Si le risque de rejet ne peut être exclu, il semble cependant très mince aux yeux des négociateurs qui, depuis cinq ans, bataillent pour que la préservation de la biodiversité planétaire, l'autre grand défi environnemental de ce siècle avec le changement climatique, puisse être appréhendée à partir des connaissances scientifiques les plus incontestables.
L'idée de cette plateforme, dont l'ambition est d'éclairer les décisions que doivent prendre les gouvernements à un moment où la nature disparaît à un rythme sans précédent dans l'histoire de l'humanité, est née en 2005, après la publication de l'Evaluation des écosystèmes pour le millénaire.
Ce rapport, réalisé sous l'égide des Nations unies grâce aux contributions de près de 1 400 scientifiques, offrait une vision globale et ô combien inquiétante de l'état des ressources naturelles dont dépendent les sociétés humaines pour leur survie : effondrement des stocks halieutiques, mortalité élevée des récifs coralliens, destruction des grandes forêts tropicales...
La France a été un des premiers pays - et pendant quelques années le seul - à défendre cette idée d'un GIEC de la biodiversité, avant que le Programme des nations unies pour l'environnement (PNUE) n'endosse en 2008 le projet et ne réussisse à convaincre les plus réticents. Vendredi à Pusan, la délégation française ne cachait pas sa joie : "La communauté internationale a pris conscience que la préservation de la biodiversité est une pièce indispensable du bien-être de l'humanité", se félicitait Claude-Anne Gauthier de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité.
L'IPBES, comme le GIEC, sera donc une organisation intergouvernementale dont la mission première sera de fournir aux gouvernements des évaluations et des scénarios sur l'évolution à venir de la biodiversité mondiale. Les pays en développement, où se concentre la plus grande diversité naturelle, ont cependant exigé d'encadrer étroitement le mandat des scientifiques, afin que l'IPBES ne joue pas les donneuses de leçon à l'égard d'Etats peu respectueux de leur patrimoine naturel.
Le Brésil et la Chine se sont ainsi montrés particulièrement offensifs dans la défense de ce qu'ils considèrent comme relevant de la souveraineté nationale : l'IPBES ne pourra ainsi faire aucune recommandation de politique publique. De même, la feuille de route des scientifiques devra être approuvée par consensus, c'est-à-dire à l'unanimité des Etats membres. Ce verrou permettra d'écarter quelques sujets embarrassants comme celui, par exemple, de l'extension des cultures de biocarburants au détriment de la protection des forêts primaires.
La possibilité de laisser les organisations non gouvernementales (ONG) saisir directement l'IPBES a également été écartée. Les ONG, qui contribuent pourtant beaucoup à la production des connaissances dans le domaine de la biodiversité, resteront de "simples observateurs". "Les gouvernements redoutent le savoir des scientifiques, nous l'avons clairement senti", témoigne Anne Larigauderie, présidente de Diversitas, un programme regroupant plusieurs milliers de scientifiques.
La question de l'utilisation des études produites par ces ONG a d'ailleurs fait l'objet de vives discussions. C'est en effet sur le crédit accordé à cette "littérature grise" que se sont fondées certaines attaques contre le GIEC ces derniers mois. Il a été décidé que les évaluations de l'IPBES ne pourraient s'appuyer que sur des études "crédibles scientifiquement, indépendantes et revues par des pairs".
Pour accepter de monter dans le train de la nouvelle organisation, les pays en développement avaient aussi exigé que les pays industrialisés financent le renforcement de leurs capacités scientifiques, ceci afin qu'IPBES ne soit pas dominée par les chercheurs du Nord. Ils ont obtenu gain de cause : un fonds alimenté par des contributions volontaires sera créé.
Beaucoup de points restent à clarifier, mais, vendredi, à Pusan, tout le monde avait le sentiment que le plus dur était fait. Avec l'espoir que l'IPBES donnera à la crise de la biodiversité la même visibilité qu'a su donner le GIEC au changement climatique.
Laurence Caramel
Le Monde
13.06.10
Bien à vous,
Morgane BRAVO
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