***La coopération internationale : un impératif pour la renaissance du nucléaire
Plus d'une vingtaine d'Etats, dont plusieurs pays en développement, pourraient mettre leur première centrale nucléaire en service dans les vingt prochaines années. On ne peut que s'en féliciter. L'électronucléaire peut apporter une contribution majeure au développement économique et aider à atténuer les changements climatiques. L'accès à cette technologie ne devrait pas être le privilège exclusif des pays riches.
Le lancement d'un programme électronucléaire est cependant une entreprise extrêmement complexe, exigeant un renforcement sans précédent de la coopération internationale.
Je salue donc l'initiative du président Nicolas Sarkozy d'accueillir les 8 et 9 mars la conférence internationale sur l'accès au nucléaire civil qui, j'en suis sûr, contribuera à "hâter et à accroître la contribution de l'énergie atomique à la paix, à la santé et à la prospérité dans le monde entier", pour reprendre les termes du statut de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
Face au recours accru à l'électronucléaire, les pays fournisseurs de technologies, comme la France, ont une responsabilité particulière qui va bien au-delà de la livraison de centrales nucléaires. Ils doivent être des partenaires fiables pour les exploitants tout au long du cycle de vie de ces installations.
Quant aux primo-accédants, il leur incombe d'établir l'infrastructure requise et d'appliquer les normes les plus strictes en matière de sûreté et de sécurité, d'instaurer un cadre juridique solide et de créer un organisme de réglementation indépendant. Ils doivent être conscients qu'ils engagent leur responsabilité pour des centaines d'années si l'on inclut le stockage des déchets nucléaires.
Malgré la crise financière, une soixantaine de pays envisagent de se lancer dans un programme électronucléaire. Il y a actuellement cinquante-six réacteurs en construction à travers le monde. L'expansion la plus forte est prévue en Chine, au Japon, en République de Corée et en Inde.
Ce regain d'intérêt pour l'énergie nucléaire tient principalement à l'augmentation de la demande mondiale d'énergie et aux craintes que suscitent les changements climatiques, la diminution des réserves de gaz et de pétrole et l'incertitude des approvisionnements en combustibles fossiles. L'électronucléaire est une technologie parvenue à maturité. Ces vingt dernières années, elle est devenue plus performante et rentable, et la nette amélioration de son bilan en matière de sûreté et de sécurité après la catastrophe de Tchernobyl l'a rendue plus attrayante.
La décision de construire des centrales nucléaires est un choix souverain des pays. A ceux qui s'y intéressent, l'AIEA offre une assistance à toutes les étapes du processus. Elle a défini des concepts fondamentaux pour un développement bénéfique, responsable et durable de l'électronucléaire.
Un développement bénéfique signifie que l'électronucléaire se doit d'être une source d'énergie rentable et fiable offrant des avantages évidents, comme une réduction des émissions de carbone.
Un développement responsable signifie que les pays doivent se conformer aux normes de sûreté et de sécurité les plus strictes et appliquer les garanties de l'AIEA de sorte qu'elle puisse vérifier que les matières nucléaires sont utilisées exclusivement à des fins pacifiques. Tous les pays ayant des centrales nucléaires devraient adhérer à la convention sur la sûreté nucléaire et à la convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs. Tous sont encouragés à mettre en oeuvre un "protocole additionnel" à leur accord de garanties avec l'AIEA, lequel renforce la transparence en donnant aux inspecteurs de l'AIEA des pouvoirs accrus. Un développement durable suppose que l'énergie nucléaire sera accessible pendant plusieurs décennies pour justifier les coûts considérables liés à la construction de réacteurs respectueux de l'environnement.
Un développement durable suppose aussi que les pays qui envisagent un programme électronucléaire sont assurés de bénéficier d'un approvisionnement en combustible nucléaire. A la fin de l'année 2009, le conseil des gouverneurs de l'AIEA a approuvé une proposition russe visant à créer une réserve d'uranium que je pourrais, en tant que directeur général, mettre à la disposition d'un pays coupé de sa source d'approvisionnement pour des raisons autres que commerciales.
Aucun pays ne peut développer son programme électronucléaire en autarcie. La technologie est extrêmement complexe, et il faut avoir recours à un grand nombre de fournisseurs dans plusieurs pays. La confiance facilite les activités des marchés internationaux de l'uranium, des équipements et des services nucléaires.
Afin de faciliter pour les primo-accédants la mise en place de tous les aspects d'une infrastructure électronucléaire, l'AIEA a défini pour eux des étapes à suivre. Ce processus donne aussi aux pays voisins l'assurance que toutes les questions essentielles ont été prises en compte.
L'électronucléaire est de plus en plus reconnu comme une source d'énergie propre, rentable et sûre pouvant contribuer à atténuer le réchauffement de la planète. Je suis fermement convaincu que tous les pays qui le souhaitent devraient pouvoir profiter de ses avantages.
Yukiya Amano
Directeur général
de l'Agence internationale
de l'énergie atomique (AIEA)
Le Monde
07.03.10
***A SUIVRE...!
Bien à vous,
Morgane BRAVO
dimanche 7 mars 2010
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