***Grosse tension jeudi au sommet sur le climat où négociateurs français et européens se sont écharpés sur la lutte contre la déforestation.
D’un coup, Brice Lalonde, l’ambassadeur climat made in France, s’est levé. «Je m’oppose à la présidence suédoise sur sa proposition de position sur les forêts car elle décrédibilise l’Union européenne.» C’était ce jeudi, à Copenhague, dans une réunion à huis clos entre négociateurs européen. «Et ça a clashé fort, résume Lalonde, chef de la délégation. Si je ne suis pas soutenu par l’Elysée, je ne serais plus là demain. Mais on ne peut pas laisser passer une tentative de comptabilité complaisante, voire frauduleuse».
Fichtre, de quoi s’agit-il? Pas d’un nouveau Madoff version écologique mais d’une nouvelle illustration du double jeu de certains pays industrialisés. Une embrouille, qui dure depuis un bail entre Européens «avec, d’un côté, la Suède, qui préside l’Union européenne, et quelques gros pays forestiers (Finlande, Autriche), décrypte un délégué. Et de l’autre, la France, appuyée par la Belgique, les Pays-Bas, ou le Danemark. Avec la Commission et le Royaume-Uni en go-between.»
Tout se cristallise autour de deux acronymes, comme en raffolent les diplomates onusiens: LULUCF et REDD. Deux idées assez brillantes - donc contestées et contestables. Deux mécanismes qui touchent un point crucial en discussion dans le projet de futur traité post Kyoto en 2012 à savoir: l’intégration du rôle des forêts comme émettrices de gaz à effet de serre quand on les décime ou les crame. Ou comme puits de carbone stockant le CO2 quand on les préserve. «Les règles de l’utilisation des sols, leur changement d’affectation et la foresterie (en anglais, cela donne LULUCF, donc) seront appliquées aux forêts des pays développés, décrypte un diplomate. Simultanément, le programme de réduction des émissions de carbone forestier (toujours en anglais, REDD) permettra aux pays en voie de développement de lutter contre le déboisement» moyennant des milliards de dollars en jeu.
On peut le résumer autrement: les pays du Nord demandent aux pays du Sud de changer drastiquement leur économie pour réduire la déforestation, responsable de 20% des émissions de gaz à effet de serre (GES). Mais dans le même temps, certains pays riches cherchent à ne pas comptabiliser les émissions des GES liées à leur propre récolte de bois qui augmente. «Une manip’ qui permettrait de planquer sous la moquette des négociations près d’1,5 milliards de tonnes de CO2, estime-t-on dans la délégation française. Soit trois fois les émissions annuelles de la France.» «Dans l’absolu, les Etats ne sont pas obligés d’acheter des crédits carbone lorsqu’ils déboisent, du moment qu’ils remplacent les arbres coupés par de nouvelles plantations, note un expert. Cela ne signifie pas pour autant une absence d’impact, puisque ces nouveaux arbres n’absorbent pas autant de CO2 ».
La France défend donc, bec et ongles, le principe d’une comptabilité transparente. Elle veut qu’on puisse montrer ce qui s’accroît et ce qui se réduit. Mais les gros consommateurs de bois comme source d’énergie sont moins chaud. Il plaide pour une projection fictive de leurs émissions d’ici 2020. Telle une grosse enveloppe qu’ils s’engageraient à ne pas atteindre. Ils pourront alors faire valoir qu’ils ont réduit leurs émissions par rapport à ce scénario alors qu’en réalité ils les auront accrues et ces émissions n’apparaîtront nulle part.
«Ubuesque et indéfendable», dit Lalonde, qui rappelle que Sarkozy a promis de consacrer 20% du financement rapide -dès 2010 et jusqu’en 2012- et va en parler lors du conseil européen de Bruxelles. En attendant, la France a reçu les félicitations des ONG «pour avoir pris la tête du combat contre la position honteuse de l’Union européenne». Elle a récolté de Climate action network le prix hautement convoité de «Rayon de soleil du jour» (Ray of the Day). Mais récolte aussi une volée de bois vert pour son recyclage en finance. Car le financement rapide, auquel Paris doit contribuer à hauteur de 400 millions d’euros, sera recyclé via son aide au développement déjà limite en jachère…
Par CHRISTIAN LOSSON envoyé spécial à Copenhague
Libération
10/12/2009
***A SUIVRE...***
Bien à vous,
Morgane BRAVO
jeudi 10 décembre 2009
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