***Comment diffuser les technologies vertes dans les pays en développement? La question est au coeur des négociations au sommet de Copenhague. D'un côté, la majorité des pays du Sud réclament un vrai partage de ce savoir-faire énergétique, pour permettre au plus grand nombre de moins polluer. Les pays développés préfèrent vendre des licences d'utilisation de brevets, pour financer leurs innovations futures. Décryptage.
Qui détient les brevets?
Les pays riches, mais aussi certaines puissances émergentes. En 2008, la Chine était au 4e rang mondial des pays inventeurs dans les technologies vertes, après le Japon, l'Allemagne et les Etats-Unis.
Les innovations viennent du secteur privé, mais aussi très largement de la recherche financée par les pouvoirs publics.
Aujourd'hui, les technologies de base du solaire photovoltaïque, de la biomasse et de l'éolien sont en grande partie tombées dans le domaine public: elles sont utilisables par tous. Les brevets concernent en fait des perfectionnements de ces technologies. Les acteurs dans ce domaine sont relativement nombreux.
Qui peut accéder à ces technologies?
Il faut payer une licence pour pouvoir les utiliser, comme pour toute technologie protégée par des droits de propriété intellectuelle.
Certains Etats accordent des conditions préférentielles aux entreprises nationales. Elles peuvent accéder plus facilement aux innovations financées sur fonds publics.
Les technologies vertes peuvent être plus ou moins sophistiquées, très high-tech ou plus basiques. Les licences pour les technologies vertes les plus "low-tech" sont parfois abordables (compararativement au domaine des médicaments, où les monopoles sont fréquents). Mais ce qui est "abordable" dans un Etat développé n'est pas nécessairement bon marché dans un pays pauvre.
Y a-t-il des accords pour faciliter leur utilisation dans les pays du Sud?
Depuis Rio en 1992, les pays riches ont accepté de faciliter et de financer le transfert de technologies propres vers les pays en développement.
Des mécanismes de développement propre ont été mis en place à la suite du protocole de Kyoto. Mais ils sont largement insuffisants. Souvent, la technologie importée reste sous le contrôle des entreprises occidentales. D'après les pays du Sud à Bali en 2007, il s'agit plus souvent d'un prêt de capital que d'un vrai transfert de connaissances.
Aujourd'hui, quelles sont les demandes des pays en développement?
Ils veulent des obtenir des dérogations aux droits de propriété intellectuelle sur les technologies vertes. Leur argument: le climat, comme la santé, est un bien public.
Quelques pistes évoquées:
- suspendre les brevets en faveur des pays les moins avancés,
- réduire leur durée de protection (une idée proposée à Copenhague),
- mettre en place des licences obligatoires; concrètement, le détenteur du brevet est obligé d'offrir l'accès à son invention, contre une compensation financière modique, un système flexible déjà utilisé pour les médicaments,
- maintenir les innovations financées par les pouvoirs publics accessibles et bon marché
- créer un Fonds multilatéral pour les technologies climatiques, comme le propose le G77 (groupe de pays en développement) qui mettrait à disposition un ensemble de technologies propres, sans paiement de redevances.
Qu'en disent les pays développés?
Ils sont conscients du problème. Mais ils considèrent que des dérogations pourraient décourager l'innovation future.
Pour certains, assouplir les brevets ne serait pas déterminant. D'autres obstacles à la diffusion des technologies vertes seraient en cause: prix faible des énergies fossiles dans ces pays, manque de capital humain, réglementation insuffisante, etc.
L'Union européenne se dit prête à offrir des feuilles de route pour chaque pays, des accords de coopération technologique au cas par cas, conclus sur une base volontaire. Des contrats bilatéraux jugés largement insuffisants par les ONG, qui veulent un plan général de coopération technologique entre pays riches et pauvres.
Comment accroître le partage des technologies propres?
L'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a travaillé sur des idées d'aménagements volontaires de la part des détenteurs de brevets, comme des licences groupées.
De leur côté, les ONG réclament un soutien financier et technique massif de la part des Etats riches. Selon Greenpeace, 40 milliards d'euros par an sont nécessaires pour le développement et la diffusion des technologies vertes dans les pays du Sud. Ces sommes serviraient en partie à financer le rachat de droits de propriété intellectuelle.
Pendant ce temps, la coopération Sud-Sud prend de l'ampleur. L'entreprise indienne Itri Environnement, par exemple, développe aujourd'hui des technologies propres au Maroc et en Afrique de l'Ouest.
Charlotte Martinez (CFJ),
L'Express
15/12/2009
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