mardi 22 décembre 2009
*CLIMAT : QUI EST RESPONSABLE DU FLOPENHAGUE ? ...*
***Qui est responsable du Flopenhague ? La question est posée dans nombre d'éditoriaux depuis ce matin, après le résultat de la COP-15 de Copenhague, et la réponse est souvent naïve.
Les méchants gouvernements n'auraient pas écouté les gentilles ONG environnementalistes. La solution au problème serait de les écouter plus à l'avenir, dans un système de gouvernement mondial miraculeusement compétent, honnête et n'écoutant que les impératifs du développement durable et l'interêt des générations futures.
Cette vision relève plus des bisounours au pays des négociations mondiales sur le climat que d'une analyse lucide des raisons de leur enlisement actuel.
Comme l'affiche ci-dessus le suggère, le plus gros lobby ayant conduit Obama à la position minimaliste adoptée à Copenhague, c'est tout simplement... celui de ses électeurs. Et c'est pourquoi il ne suffit pas de rompre avec la brutalité d'expression de Georges Bush - l'auteur de «American way of life is not negociable» - pour rejoindre le bal des bons sentiments et des Yaka professés par la plupart des ONG. La grande majorité du peuple américain ne veut pas bouleverser en profondeur un mode de vie énergivore, n'entend ne le négocier avec personne, et c'est cela le "problème" - si problème il y a - d'Obama.
Si Hu Jintao ne veut pas de contrôle sur les émissions de son pays et refuse d'aller plus loin qu'une croissance des émissions inférieure à celle de son PIB, c'est que 200 millions de chinois ont les moyens d'acquérir une voiture et ont bien l'intention de le faire. Et les deux milliards d'être humains qui n'ont pas d'électricité aimeraient bien en avoir... or, elle se fabrique à plus de 60% avec du charbon et du gaz. Toute approche du problème ne partant pas du fait suivant : 80% de l'énergie consommée dans le monde - pour se nourrir, se loger, se chauffer, se déplacer, travailler et commercer - provient de combustibles fossiles, n'a aucune chance de déboucher sur des solutions efficaces. Dénouer le noeud gordien climat/développement constitue le point de passage obligé d'une politique lucide.
Qu'avions nous à Copenhague ?
*Des gouvernements de pays industrialisés et démocratiques - USA, Canada, Europe de l'Ouest, Japon... - contraints de reconnaître la solidité du dossier scientifique des climatologues. Mais incapable de construire un programme économique, technologique, mais surtout social voire culturel, susceptible de conduire à l'objectif des 80% de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050. Le volet international d'un tel programme consisterait à une réorientation massive des investissements vers des activités peu ou pas carbonées, à l'aide d'encouragements (prêts à taux zéro....) pour ces derniers, et à des mécanismes défavorisants (prêts à taux élevés, taxes) les activités fortement carbonées. En l'absence de miracle technologique, un tel programme suppose en effet non seulement d'utiliser massivement toutes les technologies connues non ou peu émettrices de carbone, mais également de réduire des consommations, des activités, les importations massives d'objets fabriqués dans les nouvelles usines du monde, en Chine et ailleurs. Ou alors il faut remplacer les charters de retraités allant passer une semaine à Louxor ou Marrakech par des bateaux à voiles. Ces réductions d'activités ne seraient aujourd'hui pas acceptées par les électeurs, donc il faudrait choisir entre démocratie et bonne politique climatique si ce choix avait un sens.
La vérité, désagréable, c'est que même les leaders politiques ayant compris (si l'on en croit leurs discours) la direction à long terme, ne savent pas comment y parvenir... en restant au pouvoir. Quant aux partis Verts ou aux ONG qui ont manifesté à Copenhague, même si l'on croit à leurs programmes - pour ma part je n'y crois pas - leur mise en oeuvre suppose qu'ils parviennent au pouvoir par les urnes, donc que ces programmes aient été validés par les électeurs.
* des gouvernements de pays émergents ou sortis de l'expérience socialiste, pas, un peu ou très démocratiques. Chine, Inde, Brésil et Russie pour les plus gros (le groupe BRIC). L'un émet déjà beaucoup par tête de pipe (Russie), les autres sont déjà à la moitié des émissions européennes (Chine, Brésil) soit déterminés à s'en approcher (Inde). La Russie n'a aucun programme d'économie d'énergie, ses élites sont persuadées que le changement climatique ne lui sera pas si défavorable dans sa dimension régionale et sa participation au processus de Kyoto s'explique par l'opportunité représentée par les réductions massives d'émissions relativement à 1990 dues à l'écroulement de son industrie lourde. Les annonces de la Chine n'ont rien à voir avec une subite envie d'écologie à la Greenpeace, mais proviennent principalement de la prise de conscience récente des dirigeants chinois - ingénieurs de formation - des limites des ressources planétaires en pétrole et gaz qu'ils devront importer. A la différence des critiques "de gauche et anticolonialiste" de la politique du climat, ils ont compris que leur accès à ces ressources sera d'autant moins restreint que le monde déjà industrialisé les épuisera moins vite. Ils ont donc intérêt à ce que cette politique du climat existe... mais seulement si les engagements des pays riches sont assez forts pour permettre une vraie diminution de la pression sur les ressources. De ce point de vue, ils ne pouvaient accepter la proposition d'Obama.
* Les pays les plus pauvres et/ou les plus victimes du changement climatiques. Quelque soit leur opinion profonde sur le sujet, ils ont besoin d'accéder à des énergies les moins chères possibles - le pétrole à 150 dollars le baril est une catastrophe pour le Sahel - mais ont bien vu que leur position de victimes pouvaient les mettre en situation de demander une aide accrue des plus riches. Ils sont donc prêts à échanger un oui à des objectifs climatiques relativement modestes contre cette aide. Comme les pays riches ont été pingres... ils avaient à jouer la carte du raidissement. Ils l'ont fait, avec un résultat peu probant.
* Les pays exportateurs d'énergie fossile. On les a peu entendu. Logique... le résultat est, à court terme, en leur faveur. Et leurs gouvernements, peu démocratiques pour la plupart, ne sont pas en opposition avec leurs populations quant aux aspirations de ces dernières en terme de mode de vie et de consommation d'énergie.
La géopolitique du climat, c'est cet affrontement là. Non entre quelques ONG et scientifiques et de méchants gouvernements, mais entre les volontés consommatrices de l'immense majorité des populations, des gouvernements porteurs de ces volontés, et ce qu'il faudrait faire pour éviter un dérapage climatique dangereux dans la seconde moitié du siècle. Et c'est pourquoi il faudra bien plus qu'une "meilleure écoute des ONG", comme l'écrit aujourd'hui Libération, pour s'orienter vers les préconisations des climatologues qui ont certes dit ce qu'il ne faut pas faire, mais pas comment y parvenir (ce n'est d'ailleurs pas leur boulot). Ce chemin sera t-il emprunté à temps ? On peut en douter, si l'on prend au sérieux les analyses des climatologues et de certains économistes sur la double inertie du climat et de nos sytèmes techniques.
http://ow.ly/OpfN
Libération
21/12/09
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